La collecte de l’eau de pluie
Le pourtour de la Méditerranée et les régions côtières de la Mer du Nord nous donnent une idée de l’avenir qui nous attend en matière d’approvisionnement en eau. Les zones en Europe dans lesquelles on extrait plus d’eau des nappes phréatiques que celle qui s’infiltre des précipitations s’étend de plus en plus. Dans les régions sèches, les puits et les forages finissent par se tarir, tandis que sur les côtes de la Mer du Nord, l’eau salée pénètre de plus en plus loin sous les terres.
Quant aux autres régions, la pollution diffuse atteint progressivement les réserves d’eau les plus profondes. Actuellement (2018), il n’est malheureusement pas exagéré d’affirmer que l’eau de pluie est la seule ressource d’eau de bonne qualité dans la nature, facilement disponible pour tous.
La valorisation intégrale de l’eau de pluie est donc une option qu’il convient d’examiner avec attention. Il est regrettable que la législation de plusieurs pays européens se cantonne à une utilisation très limitée de cette ressource pourtant des plus intéressantes. Réduire l’utilisation de l’eau de pluie aux WC et au jardin contribue à retarder la prise de conscience du public et des décideurs politiques à propos de la gestion réellement durable de l’eau.
D’un autre côté, nous devons dire qu’en dépit du fait que même l’écrasante majorité des spécialistes n’en ont pas encore conscience, l’état de nos réserves d’eau est directement lié à la gestion correcte de la biomasse sur la terre (voir les chapitres sur l’assainissement écologique) et, par voie de conséquence, au traitement des eaux usées issues des habitations. La récupération de l’eau de pluie n’est qu’un des aspects de la gestion durable de l’eau dans le monde.
Les objectifs de la collecte de l’eau de pluie
La collecte de l’eau de pluie dans le monde répond principalement à des impératifs d’ordre économique et écologique, mais aussi à des fins de santé publique.
Pour les habitats en milieu urbain desservis par des systèmes centralisés de distribution d’eau potable et d’assainissement des eaux usées, on cherche d’une part à économiser l’eau de ville, traitée à grands frais dans des installations dont la capacité de suffire à la demande régresse face à une population continuellement croissante ainsi qu’à des sources d’approvisionnement (lacs et réservoirs, rivières et canaux, eaux souterraines) dont la quantité et la qualité sont en déclin en raison de la surexploitation et de la pollution, y compris des conséquences du réchauffement climatique.
D’autre part, on cherche à mieux contrôler les eaux de ruissellement, voire les détourner des réseaux d’égouts et des stations d’épuration où les eaux usées doivent aussi être traitées à grands frais (sans parvenir cependant à prévenir la pollution qui en découle). On compte alors sur les citernes de collecte d’eau de pluie pour agir comme de gros bassins d’orages.
Il est à noter qu’en milieu urbain, l’eau de pluie est habituellement perçue strictement comme une ressource d’appoint.
Pour les habitations isolées non desservies par les systèmes centralisés précités (en région rurale ou périurbaine, en région insulaire, etc.), l’eau de pluie est une ressource qui complémente les autres ressources disponibles, principalement les eaux souterraines prélevées dans des puits de surface ou des puits forés, dont la quantité et la qualité sont là aussi en déclin pour les mêmes raisons qu’évoquées ci-dessus.
En l’absence d’autres ressources, l’eau de pluie constitue la seule ressource en eau qui soit relativement accessible.
Les restrictions sur l’utilisation de l’eau de pluie
Dans certaines régions du monde occidental, l’emprise de l’idéologie hygiéniste est à un point tel que l’eau de pluie est strictement interdite pour les usages à l’intérieur de la maison, même lorsque traitée.
Suivant cette idéologie, on encouragera la population à récolter l’eau de pluie dans des barils placés au pied des gouttières du toit, uniquement dans le but d’arroser son jardin. On invoque en outre que « l’eau de pluie ne contient pas de chlore et qu’elle est donc meilleure pour les plantes », mais on persiste à véhiculer qu’elle est non potable pour l’être humain. Même dans des installations plus sophistiquées, la réglementation restreint souvent l’utilisation de l’eau de pluie aux usages extérieurs, c’est-à-dire que l’eau sert à alimenter des robinets extérieurs réservés pour l’arrosage ou l’irrigation du jardin, pour les nettoyages extérieurs (fenêtres, voiture, etc.), voire même pour le remplissage d’une piscine !
Certaines autorités plus « ouvertes » permettront l’eau de pluie dans la maison pour alimenter les WC ou quelques robinets intérieurs, à condition qu’il soient munis d’affiches signalant que lesdits robinets dispensent de l’eau « non potable ». (Il est à noter que l’on autorise sans problème l’utilisation de l’eau de pluie pour alimenter un système de protection incendie domestique. De tels genres de systèmes sont parfois installés dans l’habitation lorsque celle-ci est éloignée des services publics de protection incendie.)
Un des obstacles à une utilisation plus large de l’eau de pluie réside dans la persistance des autorités à considérer l’eau de pluie strictement dans son état brut, non traité. Or dans les faits, lorsque l’on aborde l’eau de pluie de la même manière que l’eau d’une rivière, d’un lac, voire même d’un puits, c’est-à-dire comme une ressource à traiter, cela ouvre tout un champ de possibilités pour son usage généralisé dans la maison.
Les options domestiques pour l’eau de pluie
Il est intéressant de noter que la Région Bruxelles-Capitale, par l’intermédiaire d’une ASBL, fait la promotion de la valorisation de l’eau de pluie. Le site internet de l’association « Homegrade » expose trois options pour l’eau de pluie :
Option minimale : on restreint l’utilisation de l’eau de pluie (non traitée) aux robinets extérieurs pour l’arrosage et les nettoyages. Parfois on permet même d’étendre son utilisation aux robinets intérieurs, pour les lessives et la chasse d’eau des WC. Ceci suppose le dédoublement de la tuyauterie dans l’habitation par des conduits de distribution séparés pour l’eau de ville et pour l’eau de pluie. Dans cette option, on vise principalement à économiser l’eau de ville.
Option intermédiaire : on étend son usage au lavage de vaisselle et à l’hygiène personnelle, en réservant toutefois quelques robinets d’eau de ville pour la boisson et la cuisine. Encore ici, l’objectif est d’économiser l’eau de ville. On exigera habituellement que l’eau de pluie soit traitée.
Option intégrale : l’eau de pluie sert à tous les usages dans la maison, y compris l’hygiène personnelle, la boisson et la cuisine. L’eau de pluie est habituellement soumise à un traitement approprié qui est adapté aux usages ciblés. En cas d’une insuffisance à combler tous les besoins du ménage avec l’eau de pluie – en raison d’un toit trop petit ou de moyens financiers trop faibles pour réaliser un système correctement dimensionné – des choix devront être faits pour déterminer quels postes de l’habitat seront approvisionnés par l’eau de pluie, et lesquels seront approvisionnés par d’autres sources. Dans cette optique, chacun devient son propre fournisseur d’eau hygiénique ou d’eau potable, avec toute la responsabilité que cela comporte.
Il est intéressant de noter qu’en Belgique, plus de 750 000 personnes utilisent l’eau de pluie depuis des années pour l’hygiène personnelle, dont plus de 100 000 pour l’alimentation.
Qu’est-ce que la valorisation intégrale de l’eau de pluie ?
L’option intégrale – version EAUTARCIE – a des priorités totalement différentes, centrées d’une part sur la protection de la santé de la population, et d’autre part, en participant à la gestion durable des ressources en eau (parallèlement à la gestion durable des eaux usées) suivant les préceptes de l’assainissement écologique. Ainsi, l’eau de pluie devient la principale source d’approvisionnement en eau des ménages. C’est ce que nous appelons la valorisation intégrale de l’eau de pluie dans la maison, représentée par le système PLUVALOR.
Remarque : on ne doit pas confondre « valorisation intégrale » et « autosuffisance », deux concepts qui ne sont pas synonymes. Suivant le premier, on utilise toute l’eau de pluie disponible. Suivant le second, l’eau de pluie serait appelé à combler tous les besoins du ménage. Or comme on verra plus loin, toute l’eau de pluie récoltée peut ne pas suffire à combler tous les besoins du ménage.