Une démarche scientifique à contre-courant

Un scientifique «touche à tout»

Les solutions techniques proposées dans le système EAUTARCIE sont tellement simples, voire élémentaires que le lecteur peut légitimement se poser la question de savoir s’il ne s’agit pas d’une sorte d’amateurisme de nature empirique. «Construire une toilette sèche comme la TLB ou filtrer l’eau de pluie à l’aide d’un filtre céramique ne peuvent pas être les résultats des recherches savantes.» C’est le genre de réflexion que j’ai entendue plus d’une fois, réflexions que j’avais du mal à comprendre.

D’un autre côté, un nombre croissant de familles adoptent le système et en sont satisfaites. Ce qui me vaut un courrier abondant de la part des lecteurs du site EAUTARCIE. C’est seulement à travers les nombreuses questions posées que j’ai fini par réaliser que la simplicité apparente du système cache un arrière-plan scientifique qui donne du fil à retordre même aux spécialistes de pointe. Pourtant, je ne suis ni plus intelligent, ni plus savant que mes collègues scientifiques, mais force est de constater que la compréhension de mes travaux sollicite une démarche qui sort des sentiers battus.

Ce qui me différencie des autres est mon approche holistique et multidisciplinaire.

J’appartiens à la catégorie des scientifiques de «touche à tout» qui, au lieu d’approfondir un seul domaine de connaissances, a préféré adopter une vision globale enveloppant plusieurs secteurs scientifiques. C’est un choix encore peu apprécié, méprisé même parfois. Je ne m’en plains pas, tout au contraire. Un spécialiste ne connaît vraiment qu’un segment étroit des connaissances. A moins d’être un génie universel, nul ne peut exceller dans tous les domaines. Les problèmes concrets posés par la vie ne relèvent que rarement de la compétence d’un seul spécialiste, mais de plusieurs. Au fil de ma longue carrière, j’ai réalisé qu’avec le cloisonnement entre les spécialités, on passe facilement à côté des solutions intéressantes. C’est la raison pour laquelle je me suis efforcé de développer une activité complémentaire à celui des spécialistes.

Ma position «d’exclu» du cercle des spécialistes, et le fait d’être privé de financement offert par les décideurs académiques, politiques et industriels, avait plusieurs avantages :

  • Je pouvais chercher des solutions, sans me préoccuper des intérêts de tel ou tel groupe industriel ou politique ;
  • Je pouvais me permettre de ne pas consacrer mon énergie à produire des publications à tout prix pour satisfaire ceux qui financent mes recherches et de remplir mon curriculum vitae.
  • Le manque de moyens financiers m’a contraint de chercher – et aussi de trouver – des solutions techniques les moins onéreuses. Ces solutions se sont avérées être aussi les plus efficaces et les plus simples.

Tout au long de ma carrière, j’ai pu constater l’efficacité pour l’innovation de cette approche, libre de toute contrainte. Le regard du non-spécialiste sur un problème était un regard extérieur, un regard nouveau, dégagé des idées admises par tous, avec des connaissances utiles dans une série d’autres domaines que les spécialistes en question n’avaient pas. Cette méthode m’a permis de découvrir des évidences cachées par les idées, parfois des dogmes scientifiques dominants.

Je me réserve cependant le droit à l’erreur. Comme tout le monde, je puis aussi me tromper. A cours de ma longue carrière, devant les faits nouveaux, j’ai plusieurs fois adapté ma position vis-à-vis de tel ou tel problème . Ces adaptations étaient cependant très rares. Mon intuition première ne m’a pratiquement jamais trompé.

A la fin de ma carrière, à la leçon d’introduction de chaque année académique j’ai invité mes étudiants à conserver le regard d’un enfant qui ignore tout sur un problème scientifique. C’est un exercice plus difficile qu’on ne pense… lorsqu’on est très savant. Moi, heureusement, je ne l’étais pas.

L’inconvénient majeur de mon choix était d’être privé de moyens pour diffuser les connaissances acquises. Les résultats de mes travaux et la démarche qui les sous-tend dérangent à plusieurs niveaux:

  • Les spécialistes ont du mal à admettre qu’un scientifique qui ne fait pas partie de leur cercle puisse trouver des solutions qui leur ont échappé ;
  • Dans un monde où toutes les activités humaines sont soumises à la dictature de l’argent, les solutions techniques qui ne promettent pas de réaliser des bénéfices financiers sont vouées à l’échec. Les moyens pour la sauvegarde de la biosphère et la protection de l’environnement ne sont admis que dans la mesure où elles peuvent générer du profit.

On peut donc comprendre l’indifférence totale des décideurs politiques et économiques à l’égard de mes travaux. Jusqu’à ce jour, aucune autorité politique, administrative ou association pour la sauvegarde de la biosphère n’a jugé utile d’au moins examiner mon travail et de m’aider à améliorer le service rendu à mes correspondants. Je n’ose même pas rêver d’une aide pour la diffusion des idées que je défends.

Le point de départ de mes travaux

Dès la fin des années 1950, je me suis posé beaucoup de questions sur le devenir de notre planète. Face à l’euphorie de la science triomphante de l’époque, je sentais une sorte de malaise indéfinissable lié au développement technique qui accaparait, sans ménagement, toutes les ressources disponibles. J’étais en désaccord avec mes collègues qui croyaient que la science finirait par résoudre tous les problèmes de l’humanité. Mon doute s’alimente-il de l’admiration juvénile et la nostalgie des savants universels de l’époque de la renaissance ou celui du début de l’ère industrielle ? Qui sait ?

Il n’était pas facile de trouver ma voie. Pendant les premières années de ma carrière, je ne savais pas ce que je devais chercher. Comme tout le monde, je me suis efforcé de publier n’importe quoi, même si je n’avais rien à dire. Le but était de remplir mon curriculum vitae. En cela, je ne faisais qu’imiter mes patrons scientifiques. En faisant le bilan de la carrière de plusieurs «grands patrons» universitaires de mon entourage, j’ai découvert des choses décevantes: beaucoup de textes savants, un grand nombre de publications contenant peu de choses nouvelles, bien souvent sans la moindre idée originale. Les séries impressionnantes de publications de nombreux grands patrons étaient des variations sur un thème usé jusqu’à la corde.

J’étais donc heureux de partir en Afrique tropicale pour pouvoir prendre mes distances par rapport à ces préoccupations. C’est là que j’ai brutalement été mis en contact avec la réalité des choses: notamment avec les problèmes de l’eau. Comme un enfant jeté dans l’eau profonde, j’ai fini par nager instinctivement et trouver ma voie.

Pendant que les pluies tropicales tombaient à verse, à Lubumbashi (Zaïre à l’époque), des semaines durant, les robinets des maisons étaient désespérément à sec. L’idée de récupérer l’eau de pluie pour usage domestique s’imposait d’elle-même. C’était le point de départ d’une démarche scientifique à laquelle j’ai consacré les dernières 30 années de ma carrière universitaire. En fait je continue encore (en 2014) ces recherches, 45 ans après la construction de ma première toilette sèche et 43 ans après ma première installation de production d’eau potable au départ de l’eau de pluie.

Eau de pluie et hygiénisme

Le fait analytique s’imposait rapidement: le long de son cycle naturel, c’est au moment où l’eau tombe du ciel qu’elle est de loin la plus propre. Eu égard à la pollution généralisée de l’époque (1971), il n’était pas difficile de deviner que dans les décennies à venir la seule source d’eau pure, disponible pour tous, serait la pluie.

Une autre découverte, pas très savante (mais qui semblait échapper à mes collègues), était de constater que l’eau récoltée dans une citerne en béton était meilleure pour les usages courants que celle qui tombait sur le toit. Lorsque mes collègues parlaient de l’eau de pluie, ils se référaient toujours à l’eau récoltée dans les stations météorologiques. Cette eau ne m’intéressait pas : elle était acide et sans sels minéraux. La citerne en béton, en pierres ou en maçonnerie contenait toujours de l’eau chimiquement neutre et légèrement minéralisée : tout juste suffisamment pour rester douce, contenant peu de calcaire.

Après en avoir éliminé les bactéries, on obtenait de l’eau potable de haute qualité. Je ne me doutais pas encore que ce faisant, je piétinais les plates-bandes de l’industrie de l’eau. D’une manière naïve, je croyais qu’il suffisait de présenter les résultats analytiques pour faire admettre le système de microfiltration de l’eau de pluie. Je proposais donc de l’eau potable de haute qualité pour un prix dix fois moins élevé que les eaux vendues en bouteilles . Le débat des écologistes sur les bouteilles consignées contre les flacons de plastiques était résolu: pas de pollution par les flacons de plastique, ni par le transport et le lavage des bouteilles consignées.

C’était sans compter sur la résistance des monopoles de l’eau potable. A défaut de pouvoir contester les faits analytiques, pour me faire rentrer dans les rangs, on m’a opposé le plus beau fleuron de la pensée scientiste: l’hygiénisme. Ce concept, datant de la fin de 19e siècle, est la base de toute la médecine scientifique actuelle. On peut le résumer en deux points:

  • L’origine de la plupart de nos maladies sont les micro-organismes, de ce fait l’origine des maladies se trouve toujours au-dehors et presque jamais en nous.
  • Pour prévenir la maladie, il suffit de tuer ces être vivants dans tout notre entourage.

Il m’a donc fallu examiner les bases scientifiques réelles de cette vision.

Étant de formation électro-chimiste, je me suis orienté vers l’interface de l’électrochimie et de la biologie. C’est ainsi que j’ai découvert l’existence d’une branche scientifique : la bioélectronique, élaborée dans les années 1950 par le Français Louis-Claude Vincent. A cette époque, je ne savais pas encore que la bioélectronique Vincent (BEV) était une science «maudite». Ce sont mes collègues de la Faculté de Médecine qui me l’ont rappelé, en précisant qu’il s’agissait d’une pseudo-science, sans fondements sérieux. D’un autre côté, j’ai aussi appris que pendant plus de 20 ans, la BEV était présente dans les hôpitaux de France, qu’elle était une pratique acceptée et qu’elle est toujours utilisée par certains médecins.

Intrigué par cette contradiction, je me suis mis à éplucher les bases scientifiques de la BEV. Ma première intention était de «tordre le cou» une fois pour toutes, à une pratique sans fondement scientifique. Il n’était pas difficile de localiser l’origine du problème: la notion d’activité électronique, exprimée par le rH2. Après avoir réuni toutes les données disponibles, j’avais l’intention de rédiger un article pour montrer que la BEV était une fausse science. Pour ce faire, il a fallu d’abord comprendre la pensée de Louis-Claude Vincent. Après en avoir éliminé les erreurs de formulation, j’ai voulu élaborer une démonstration scientifique pour «démolir» cette théorie. Seulement, plus je rentrais dans la matière, plus je réalisais le caractère génial de la pensée de Vincent. Non seulement la BEV n’était pas sans fondements, mais ses applications en biologie, en médecine et aussi en électrochimie, ouvraient des perspectives dignes d’intérêt.

Heureux de cette découverte, j’ai effectivement rédigé un article à l’intention de la revue «L’actualité chimique» de la Société Française de Chimie dont j’étais membre. Dans cet article, j’ai réclamé la réhabilitation de la notion de rH de Clark, notion enterrée par la «American Chemical Society» en 1924, suite à une sorte de procès d’inquisition scientifique. Dans les faits, Vincent et aussi la BEV étaient, sans le savoir, les victimes tardives de ce procès.

Grâce à la BEV, j’ai fini par comprendre que la formation des composés organochlorés (souvent toxiques) suite à la désinfection de l’eau par le chlore n’était qu’un aspect mineur des nuisances de ce biocide. La modification de l’activité électronique provoquée par le chlore était à l’origine d’une série d’altérations lentes de la santé. Vincent avait donc raison en affirmant le caractère nuisible et insidieux des traitements oxydant l’eau. La désinfection chimique n’était justifiée que dans le cas de distribution par réseau public (et encore… car on connaît des villes avec distribution centralisée d’eau non désinfectée au chlore). La situation était différente lors de la valorisation domestique de l’eau de pluie.

Au point de vue chimique et physique, l’eau de pluie stockée dans une citerne et sans chlore, était parfaite. Il a fallu tout simplement en éliminer les bactéries, non pas par un traitement chimique, mais à l’aide d’une simple filtration.

La Commission des Eaux de la Région wallonne

Bien après mon retour de l’Afrique en Belgique, en 1989 j’ai été nommé membre de la Commission Gouvernementale des Eaux de la Région wallonne. Dans cette commission, dont le rôle était de superviser la législation sur l’eau, je représentais les Amis de la Terre (Friends of the Earth) Belgique. J’étais donc «en première loge» pour voir les problèmes d’eau dans mon pays. On a précisément créé cette commission pour les résoudre. Les universités ont été mobilisées pour trouver des solutions aux problèmes posés par l’approvisionnement en eau de la population et ceux du traitement des eaux usées urbaines. La Région wallonne (3,2 millions d’habitants) s’apprêtait à investir une somme équivalente à cinq milliards d’euros pour l’assainissement.

Je voyais «mon heure» arriver par la proposition des solutions simples, efficaces et bon marché. Le système PLUVALOR était susceptible d’assurer la fourniture d’eau potable de haute qualité, tout en soulageant les réserves d’eau. Le traitement sélectif des eaux grises répondait à un besoin d’assainissement des zones rurales et des quartiers périurbains à habitat familial.

J’étais tout heureux de présenter ces solutions à la Commission, avec un calcul approximatif d’économies réalisables. Je proposais une réduction de 60 à 75% de la superficie des zones à épuration collective. Les économies réalisables se chiffraient par plusieurs milliards d’euros. De plus, la généralisation de la valorisation intégrale de l’eau de pluie suivant le système PLUVALOR aurait fait baisser la consommation d’eau de la population d’au moins 40%! Par l’amélioration de la qualité de l’eau potable, on pouvait aussi espérer une réduction des dépenses des assurances maladies.

Mais le résultat le plus spectaculaire aurait été au niveau de la protection de l’environnement. Les petites rivières, polluées par des zones d’habitation familiales sont devenues des égouts à ciel ouvert. La généralisation du traitement sélectif des eaux (système TRAISELECT) aurait eu comme effet de rendre en moins de deux ans, la pureté originelle de ces petites rivières. En Région wallonne, on aurait pu pêcher la truite et le saumon dans presque toutes les petites rivières. Les recettes du secteur touristique en auraient augmenté considérablement.

Suite à l’exposé de ces nouvelles techniques à la Commission des Eaux, il était curieux de voir le changement de discours des représentants des sociétés de l’eau qui, avant mon exposé, «tiraient la sonnette d’alarme» pour les réserves d’eau potable menacées d’épuisement et par la pollution. Ils réclamaient à la Commission des moyens pour protéger ces réserves. Après mon exposé sur les possibilités de récupération de l’eau de pluie, ces mêmes messieurs ont déclaré que «en Wallonie, il y a suffisamment d’eau, et elle est de bonne qualité: donc il est tout à fait inutile de récupérer l’eau de pluie». Par ailleurs, «l’usage domestique de l’eau de pluie est dangereux pour la santé».

Quant à l’accueil réservé en 1992 au traitement sélectif des eaux usées, il était peu aimable (c’est un euphémisme) de la part de tous les acteurs de l’eau: société distributrices, sociétés d’épuration, administrations publiques, spécialistes en génie sanitaire, etc. Les économies réalisables et la possibilité de restauration de la qualité des rivières par le traitement sélectif ne semblaient pas intéresser les membres de la Commission.

Les idées reçues ont la vie dure

Humainement (mais pas scientifiquement), je pouvais comprendre les réactions des membres les plus influents de la Commission, ingénieurs en génie sanitaire pour la plupart. Dire à un spécialiste qui a consacré sa vie à épurer les eaux, que pour protéger l’environnement il ne faut surtout pas épurer, c’est quelque-peu frustrant. Il leur était difficile d’admettre ma «découverte», ce constat que toute le génie sanitaire est basé sur un dogme scientifique contestable, à savoir : pour bien protéger l’environnement, les eaux usées urbaines doivent être épurées à tout prix.

L’examen de mon approche demandait évidemment une certaine souplesse et ouverture d’esprit. Pourtant ma proposition était simple: dès qu’on admet l’idée, suivant laquelle la finalité du traitement des eaux n’est pas l’épuration, mais la protection de l’environnement, on découvre le caractère discutable, voire nuisible de l’épuration classique des eaux urbaines. En essayant de faire comprendre ces idées ou au moins susciter un débat scientifique, il m’a fallu admettre la validité de l’adage: il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Pour pouvoir comprendre mon idée, il suffit de faire le bilan azoté de l’épuration et d’évaluer ses impacts environnementaux à l’échelle de la biosphère. L’épuration classique détruit la matière organique azotée par oxydation biologique. Elle en libère l’azote sous forme de nitrates. Ces derniers se retrouvent finalement dans la nature par les eaux épurées et surtout par les boues d’épuration. L’épuration tertiaire (dénitrification et déphosphatation) ne travaille que sur un dixième de l’azote qui entre en station d’épuration. L’épuration classique ne fait rien d’autre que transformer une matière organique précieuse pour la biosphère en pollution par les nitrates et les phosphates .

Ce n’est même pas la pollution par les nitrates qui est la conséquence la plus grave, mais la soustraction de la biomasse fécale au cycle naturel du carbone, de l’azote et du phosphore. Eu égard à la population mondiale, la biomasse fécale humaine – y compris l’urine – est loin d’être une quantité négligeable. Son contenu azoté représente une quantité équivalente à presque la moitié de l’azote utilisé dans la production alimentaire mondiale. L’autre moitié devrait en fait provenir des déjections animales. Actuellement les engrais de synthèse ont remplacé ces amendements naturels. Dans un monde surpeuplé où les terres agricoles se dégradent et disparaissent faute d’apports corrects et suffisants de matières organiques, on ne peut pas se permettre le luxe de détruire la biomasse fécale humaine sous prétexte d’épuration. A l’époque, je ne savais pas encore que le passage au système SAINECO était le point de départ de la maîtrise des changements climatiques, mais instinctivement, je sentais son importance.

Comme d’habitude, mon discours a bien été écouté, mais n’a pas été entendu. Les oreilles distraites n’ont retenu que l’usage des toilettes sèches. Les membres de la commission n’ont pas compris la distinction entre le principe de la TLB (toilette à litière biomaîtrisée) pour le traitement sélectif des eaux vannes et l’usage de ces toilettes par la population. En entendant le mot «toilette sèche», les oreilles se ferment et n’écoutent plus le reste. Elles n’entendent non plus les solutions techniquement possibles, même dans les habitations des centres urbains. C’est dommage, car la mise en place de mes propositions aurait eu des résultats immédiats et spectaculaires :

  • Une réduction de 20 à 25 % de la consommation urbaine de l’eau.
  • La totalité des eaux usées (eaux grises, savonneuses) serait disponible pour l’agriculture, sans traitement coûteux et surtout sans risques sanitaires.
  • La suppression de la pollution des rivières par le secteur domestique.
  • La régénération des terres agricoles par un apport d’humus non négligeable.

Je ne demandais évidemment pas de me suivre sans réserve et engager dans la nouvelle direction toute la politique de l’eau. Ce que je demandais, c’était d’examiner mes propositions et les tester à l’aide de quelques expériences pilotes.

Mes travaux remettaient en cause plus d’une certitude en génie sanitaire. Une autre de mes «découvertes» était de constater et surtout de rappeler un fait analytique connu : les techniques de déversement des eaux ont un impact environnemental plus important que celle des traitements pour épurer. Lorsque nous comparons les impacts environnementaux lors du déversement des eaux dans une rivière ou son infiltration dans le sol, la différence est spectaculaire. C’est ce qui m’a conduit à la «(re)découverte» des techniques simples, efficaces et bon marché comme la photo-épuration (épuration des eaux grises par la lumière du jour) et la pédo-épuration (élimination de la charge polluante par le sol). Ce qui choque le plus les environnementalistes est le constat suivant lequel pour le traitement des eaux grises, l’épuration est complètement inutile, même par les plantes. En raison de pertes d’eau pendant l’épuration, la phytoépuration des eaux grises en régions sèches est un gâchis environnemental.

Je me suis donc retrouvé confronté à une série d’idées reçues, sans fondement scientifique sérieux. Suivant une de ces idées, mieux on épure les eaux urbaines, plus on protège l’environnement. Lorsqu’on mesure les impacts environnementaux des traitements des eaux, c’est l’inverse qui s’avère vrai : mieux on épure, plus on pollue et détruit l’environnement. Cette affirmation peut paraître absurde aux techniciens de l’épuration. Elle mérite cependant d’être examinée par des expériences relativement simples. Il suffit de dresser le bilan azoté de l’épuration des eaux usées urbaines. Si la quantité d’azote qui entre en station d’épuration est 100%, il faut mesurer le pourcentage de l’azote dénitrifié, celui qui sort avec les eaux épurées et celui qui reste dans les boues d’épuration. Il faut continuer le bilan avec les transformations ultérieures des boues pendant leur valorisation agricole pour découvrir que l’écrasante majorité de l’azote qui entre en station d’épuration se retrouve in fine dans la nature, sous forme de pollution par les nitrates .

Afin de réaliser la nuisance majeure de l’épuration, il conviendrait d’évaluer aussi la valeur biologique de la matière organique des eaux (de l’humus potentiel) détruite sous prétexte d’épuration. Malheureusement, les techniciens en génie sanitaire ne connaissent pas le processus de transformation de la matière organique en humus stable dans le sol. Une autre idée, complètement fausse, consiste à admettre que pour former de l’humus, il suffit d’introduire de la matière organique dans le sol.

Toilette sèche : la meilleure et la pire des choses

Ceux qui n’ont pas pris la peine de comprendre ma pensée, prétendent que je veux obliger tout le monde à utiliser des latrines à la place des W-C à chasse d’eau. Il ne faut pas être très savant pour comprendre que ce n’est pas vrai.

Il n’en est pas moins vrai que l’épuration des eaux fécales est une technique qui n’appartient pas à un monde de développement soutenable.

Je savais déjà cela, il y a plus de 30 ans, mais à cette époque, la généralisation de l’usage des toilettes sèches me paraissait utopique et surtout incompatible avec le confort moderne. C’était ma conclusion, après avoir examiné les toilettes sèches disponibles dans le commerce. Suite à ce travail, une autre conclusion s’imposait également : les toilettes dites «scandinaves», largement utilisées dans le monde, basées sur la séparation de l’urine et des fèces, étaient aussi polluantes que les W-C classiques. Elles détruisaient la biosphère tout autant que les W-C raccordés aux systèmes d’épuration les plus performants. Le seul avantage de ces toilettes par rapport aux W-C était le non-rejet des eaux épurées dans les rivières. Ce constat n’a évidemment pas été accueilli avec joie, ni par ceux qui fabriquaient des toilettes sèches, ni par des «écolos intellectuels».

Épuration par les plantes : prétexte pour ne pas voir les problèmes en face

D’une manière complémentaire, j’ai aussi découvert que l’épuration des eaux par les plantes ne résolvait absolument pas les problèmes posés par l’usage des W-C. Du coup, à côté de celles des industriels de l’eau, j’ai aussi attiré les foudres des défenseurs de l’environnement. Ce débat est loin d’être clos. Il suffit de parcourir les sites internet qui s’occupent d’assainissement dit «alternatif» pour tomber dans tous les cas, sans exceptions, sur les mots-clefs associés: «toilette sèche» et «phyto-épuration».

Il s’agit là d’une erreur aux conséquences graves, car dès le moment où l’on accepte l’usage des toilettes sèches, l’épuration (des eaux grises produites) par les plantes est non seulement inutile mais, franchement nuisible à l’environnement.

L’association «toilette sèche / phyto-épuration» est un non-sens. Il s’agit là d’une erreur aux conséquences graves, car dès le moment où l’on accepte l’usage des toilettes sèches, l’épuration (des eaux grises) par les plantes est non seulement inutile mais, en régions sèche, elle constitue un gâchis environnemental.

Quand les impacts environnementaux des systèmes les plus ingénieux de traitement des eaux par les plantes sont soumis à une analyse scientifique, on découvre une réalité vraiment décevante. Dans les régions sèches du globe , ces techniques sont même suicidaires.

Le principe de TLB : toilette à litière biomaîtrisée

Comme solution alternative, je propose l’application généralisée du principe de la TLB. Elle consiste à traiter séparément les eaux grises (savonneuses) et produire des eaux vannes (eaux fécales) concentrées. Ces dernières doivent être traitées conjointement avec des déchets cellulosiques d’origine végétale et la partie (organique) fermentescible des ordures urbaines. C’est la seule solution pour reconduire les activités domestiques dans les cycles du carbone, de l’azote et du phosphore. En termes financiers, même dans les grandes villes, cette option ne coûte pas plus cher que l’épuration actuelle, mais offre un degré de protection de l’environnement et surtout une régénération dépassant les prévisions les plus optimistes.

Je dois insister sur le fait, que ce principe est transposable même dans les centres urbains à habitat très dense. Il n’est donc nullement question de mettre tout le monde sur des toilettes sèches et encore moins sur des latrines.

La «découverte» de la TLB

C’est en 1969 que j’ai construit ma première toilette sèche. Même ma propre famille a refusé de l’utiliser. Je l’ai donc installé dans l’abri de notre jardin. Plus de dix ans après, en 1980 que j’ai commencé à en parler en public. A cette époque, mon discours sur la nécessité de supprimer les chasses d’eau faisait sourire. Ma première conférence sur le sujet débouchait sur l’hilarité générale. Au public, il a fallu 25 ans pour prendre cette idée au sérieux. Quant aux politiciens et aux techniciens en génie sanitaire, il en faudrait encore 50 ou plus.

Certains m’attribuent la paternité de l’invention de la TLB. Je pense que de telles toilettes devaient déjà exister bien avant – même si je n’en avais pas connaissance. Je ne réclame que la paternité de la découverte du principe de fonctionnement de la toilette à litière. Les odeurs y sont maîtrisées grâce à l’inhibition des réactions enzymatiques par la cellulose végétale. C’est techniquement simple mais scientifiquement complexe.

C’est une découverte empirique due au hasard : l’adjonction des déchets de végétaux aux déjections empêche le dégagement des odeurs. Le restant est un travail scientifique pour comprendre le phénomène , mais pour l’application, l’essentiel n’est pas le mécanisme réactionnel d’inhibition, mais le fait que les odeurs disparaissent et la fixation de l’azote organique sur la cellulose a effectivement lieu. C’est la première étape de la formation des acides humiques.

Le mélange de déjections et de la cellulose végétale fait démarrer le processus de formation de l’humus. Le stockage des déjections, sans cellulose, enclenche un processus de déconstruction de la matière organique. Au départ de cette matière, «digérée» sans cellulose végétale, il n’est presque plus possible de faire de l’humus : les déjections deviennent pollution et facteur de destruction des sols. L’épandage du lisier d’élevage en est la plus belle illustration. Les toilettes sèches avec séparation de l’urine produisent une matière aussi polluante que les effluents des élevages industriels. C’est sans aucun doute, une de mes «découvertes» importantes.

Le principe de la TLB consiste donc à admettre que pour reconduire nos déjections (et aussi celles des animaux) dans les cycles naturels de formation de l’humus, il faut y ajouter de la cellulose végétale dès la production, mais au moins avant la déconstruction enzymatique spontanée. Pour le début de la formation de l’humus, l’eau contenue dans l’urine suffit. Pour des raisons techniques, on peut y ajouter un peu d’eau, mais moins que les chasses des W-C classiques.

Contribuer à la réduction des changements climatiques

Ma pensée scientifique va bien plus loin que le traitement des eaux usées et l’approvisionnement en eau potable. Ces techniques ne sont que le point de départ d’une démarche efficace vers la réduction des changements climatiques et la solution définitive des problèmes d’eau dans le monde. Les deux sont intimement liées. Lire à ce sujet l’article à notre page de documentation.

C’est à ce niveau que j’ai formulé une des lois de base du fonctionnement de la biosphère :

«Chaque kilogramme de biomasse végétale et animale (humaine) détruite sous prétexte d’épuration ou de valorisation énergétique est un facteur de déséquilibre de la biosphère et une source de pollution des eaux»

Les techniciens en génie sanitaire ne semblent pas réaliser le fait qu’à l’origine de tous nos problèmes d’eau dans le monde (épuisement des ressources, pollution, sécheresse, inondations) se trouve une gestion incorrecte de la biomasse. Les techniques de gestion de l’eau actuellement proposées et imposées même partout dans le monde, ne font que perpétuer, voire aggraver nos problèmes d’eau. Heureusement, des solutions alternatives existent, même si elles sont mises de côté, voire interdites pour le moment.

Pour sortir le monde de ses problèmes d’eau et de changements climatiques (les deux sont largement interdépendants via la gestion de la biomasse), la première chose à faire serait de lancer des projets pilotes afin de tester et améliorer les techniques de prévention des problèmes à la source. En utilisant les résultats de ces expériences, il faudrait lancer un vaste programme de gestion durable de la biomasse à l’échelle mondiale.

La valorisation énergétique de la biomasse

Une autre idée, potentiellement dangereuse consiste à croire que la combustion de la biomasse végétale constitue une source d’énergie renouvelable en remplacement des énergies d’origine fossile. Dans ce débat, lorsqu’on a adopté une vision globale de la biosphère, la concurrence de la production agricole énergétique avec celle des aliments (mis en avant par les environnementalistes) ne représente qu’un aspect tout à fait mineur du problème.

Quand on admet la loi de base du fonctionnement de la biosphère, énoncée plus haut, on peut comprendre le gâchis environnemental que représente la production à grande échelle des biocarburants (biodiesel, bioéthanol, biométhane) et la combustion inconsidérée des déchets cellulosique comme la paille, déchets forestiers et agricoles, ainsi que celui de l’industrie du bois y compris les pellets qu’on brûle dans les chaudières.

Ceci ne signifie nullement qu’il faut renoncer à la valorisation énergétique de la biomasse, mais autrement que par la combustion directe.

Dans les préoccupations de régénération des écosystèmes, les apports scientifiques de trois génies méconnus m’ont beaucoup aidé. Il s’agit de Jean Pain, Paul Moray et Louis Kervran.

Grâce aux travaux du Français Jean Pain, depuis plus de 40 ans, on sait que le compostage aérobie des végétaux dégage une quantité d’énergie comparable à celle qu’on en obtient par la combustion directe. Le compostage conduit suivant sa méthode, grâce à des échangeurs de chaleur, peut produire de l’eau chaude de 35 à 45°C pendant 3 à 6 mois (parfois plus). Cette chaleur de basse température convient parfaitement au chauffage de base des bâtiments. A la différence de la combustion directe, à l’issue de la production d’énergie, le compost est disponible pour régénérer les terres et pour la fertilisation. Contrairement à ce qui se passe avec la combustion des biocarburants, le compost ayant livré sa chaleur, retourne à la terre pour régénérer et renforcer l’écosystème. Les cultures énergétiques actuelles ne font pas partie d’un monde de développement soutenable.

Au-delà de l’importance et de la quantité de chaleur produite, la différence notable entre la combustion et le compostage de la matière carbonée est que la combusion détruit irrévocablement la totalité de la biomasse carbonée en la convertissant en CO2 atmosphérique additionnel ainsi qu’en cendres inorganiques. Quant à lui, le processus de compostage fixe et stocke l’entièreté du carbone sous forme d’humus organique, sans autre sous-produit. Ainsi, on produit une matière qui sera utilisée pour régénérer les sols et en améliorer la fertilité innée.

Le bois raméal fragmenté (BRF) des Canadiens

A propos de la méthode de Jean Pain, il est important de mentionner la valorisation agricole du bois raméal fragmenté (BRF) développée au Canada. Il s’agit d’une des techniques clefs pour la régénération des écosystèmes dégradées dans le monde, pour autant qu’on modifie la filière de valorisation du BRF mis au point au Canada.

Avant l’épandage direct sur les terres, il serait donc plus raisonnable que le BRF soit imprégné d’eau et composté pour la production d’énergie à basse température. A l’issue de ce cycle énergétique, une partie du compost obtenu retourne dans la forêt pour en maintenir la production, l’autre partie est utilisée pour la fertilisation des terres agricoles.

Le compost issu du BRF peut également servir aux nouvelles plantations des forêts dans les régions semi-désertiques.

La méthode de Jean Pain ne constitue qu’un des volets des techniques de régénération des écosystèmes.

Un autre génie méconnu : Paul Moray

Une autre clef de la maîtrise des changements climatiques est la reconquête des déserts. Historiquement, nous savons que de nombreuses régions actuellement désertiques étaient, il n’y a pas si longtemps des régions florissantes, parfois couvertes de savanes boisées ou des terres agricoles, voire des forêts. Le pourtour de la Méditerranée en fournit de nombreux exemples.

Nous savons également que les interactions entre le sol et le climat sont réciproques: le climat fait le sol et inversement. De ce fait, nous pouvons affirmer avec certitude: le processus de désertification est réversible.

C’est à ce niveau que se situe la technique mise au point par le Français Paul Moray. Sa pensée est simple: au lieu de planter les arbres, il faut les semer. Ici aussi, la simplicité apparente cache un arrière-plan scientifique complexe.

Comme Jean Pain, Paul Moray était également un autodidacte qui, au départ, ne connaissait rien en foresterie. C’était un professeur de français qui se passionnait pour la mythologie liée aux arbres et à l’étymologie de leurs noms. C’est au cours d’une des excursions dans la nature avec ses étudiants qu’il a eu la «révélation» sur un problème de base.

Dans une région sèche du Sud de la France, après avoir parcouru des vergers de pêches et d’abricots dans un fond de vallée, un de ses étudiants a attiré son attention sur un arbre, un pêcher, accroché au sommet d’une falaise rocheuse complètement désertique. Cet arbre portait des fruits sans le moindre arrosage ou irrigation. Dans la vallée, les mêmes arbres fruitiers ne pouvaient être maintenus en vie que par une irrigation continue. Quelle était donc le «secret» de cet arbre adventice (de semis spontané ou «sujet franc») pour la survie, tout en produisant des fruits savoureux ? Par après, il a trouvé beaucoup d’arbres fruitiers et autres qui ont poussé et prospéré dans des conditions «impossibles» : parfois au sommet des murs des ruines d’anciennes forteresses.

Intrigué par le phénomène, il a fini par comprendre que lors du semis, le noyau d’un arbre émet deux germes: l’un s’orientant vers le haut, l’autre vers le bas. Au départ, c’est ce dernier qui se développe et donne naissance à une racine dite «pivotante» qui, à travers les fissures dans la roche, pousse vers le bas à la recherche de la nappe phréatique. Celle-ci peut se trouver à plus de 50 mètres de profondeur. Le germe du noyau orienté vers le haut ne commence sa croissance qu’après le développement complet de la racine pivotante ayant trouvé l’eau.

Ce processus a lieu dans les pépinières aussi. Lors de la transplantation, la racine pivotante est sectionnée et l’arbre replanté est désormais incapable de la reconstituer. En région sèche, un tel arbre ne peu survivre que grâce à l’irrigation. Pour implanter un verger ou une forêt sur un coteau désertique brûlé par le soleil, il suffit de semer les arbres.*

C’est simple à dire, mais plus complexe à mettre en œuvre. Paul Moray a donc élaboré une technique de semis pour un grand nombre d’espèces d’arbres utilisant précisément le compost de Jean Pain. Cette méthode constitue une des clefs pour faire reculer les déserts et implanter des vergers florissants là où même les chèvres ne trouvent plus rien à manger. Grâce à cette méthode, on peut libérer les fonds de vallées pour les cultures qui ne peuvent pas se passer d’irrigation.

Les travaux de Paul Moray n’ont récolté que l’hostilité de la part des spécialistes en foresterie. Les bois semés suivant sa méthode par les écoliers sur des friches abandonnées, ont été arrachés par les fonctionnaires de l’Administration des Eaux et Forêts. Il a connu des tracasseries administratives et policières qui ont fini par ruiner sa santé. Il est mort écœuré et abandonné de tous.

Les incendies des forêts: fatalité ou imbécillité?

Au cours de l’histoire, les forêts ont pu se maintenir en bonne santé, même dans les régions sèches et habitées de la planète. Depuis quelques décennies les incendies détruisent des centaines de milliers d’hectares de forêts chaque année. Pour éteindre ces incendies, on mobilise des ressources humaines et financières considérables, avec un résultat franchement médiocre, voire nul.

Jean Pain était le premier à mettre en évidence la cause de ce désastre et proposer des solutions simples, efficaces et bon marché.

Pourquoi ces forêts ont-elles pu se maintenir pendant des siècles? La raison en est simple. Avant l’ère industrielle, la population utilisait le petit bois pour le chauffage et la cuisine. L’abattage des arbres des forêts appartenant aux seigneurs locaux était interdit. Par contre, on autorisait le ramassage des branches mortes et la coupe des buissons aux pieds des arbres. Résultat: les incendies estivales éventuelles n’étaient alimentées que par l’herbe sèche, représentant trop peu de pouvoir calorifique pour endommager les arbres. Les zones de buissons, nécessaires à la faune forestière étaient situées loin des sentiers et des fumeurs.

Dans le Midi de la France (région aride), Jean Pain a entrepris de couper chaque année les buissons de sous-bois dans la parcelle de forêt confiée à ses soins. Il en faisait un compost dont une partie était restituée aux arbres, l’autre partie servait pour les cultures . Les 300 hectares de bois «cultivé» de la sorte apparaissaient sur les vues aériennes comme un îlot verdoyant entouré de forêts détruites par les incendies. Le feu traversait chaque année sa parcelle également, mais faute de combustible de sous-bois, les arbres restaient épargnés.

Fort des résultats obtenus, Jean Pain a proposé d’expérimenter sa méthode de gestion à l’Administration des Eaux et Forêts. L’application de sa méthode aurait permis de diminuer les incendies et de sauvegarder les forêts menacées. A l’instar de Paul Moray, il n’a récolté de la part des fonctionnaires que de l’hostilité, des tracasseries administratives et policières. Lui aussi, il est mort dans la misère et l’incompréhension totale. (N.B. C’était aussi le sort réservé à Louis-Claude Vincent, le créateur de la bio-électronique).

Vers un monde durable

La démarche vers un monde durable est au centre de ma pensée scientifique. Comme exposé plus haut, je n’ai nullement la prétention d’avoir mis au point toutes les techniques pour la régénération des écosystèmes. S’il y a une contribution dont je peux réclamer la paternité, c’est d’avoir découvert la complémentarité des techniques mises au point par d’autres (des savants «maudits» comme Louis-Claude Vincent, Paul Moray, Jean Pain et Louis Kervran entre autres) et la manière d’en faire un ensemble générant de nouvelles solutions pour le développement durable.

On a l’habitude d’attribuer les changements climatiques aux rejets des gaz à effet de serre par la combustion du pétrole, du gaz naturel et du charbon. C’est vrai, mais on oublie souvent que la gestion incorrecte de la biomasse libère aussi une quantité importante des gaz à effet de serre et supprime surtout des puits de carbone. Sans vouloir nier les effets de la gestion incorrecte de l’énergie, la destruction systématique de la biomasse a probablement une contribution aussi importante.

Parmi les techniques de destruction, nous pouvons citer :

  • La production agricole industrialisée : produire n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment, pour autant que cela rapporte de l’argent. Dans un temps prévisible, cette agriculture sera incapable d’alimenter correctement la population mondiale en croissance.
  • La déforestation massive dans le monde, y compris par les incendies (parfois volontaires).
  • La valorisation énergétique de la biomasse par sa combustion.
  • La destruction de la biomasse sous prétexte d’épuration.
    La gestion incorrecte des déchets organiques et cellulosiques (dont un exemple-type est le procédé Fostplus).

A l’état actuel, il est urgent de mettre en place un programme mondial de gestion de la biomasse. Les techniques simples, efficaces et bon marché existent, mais il faut une volonté politique pour leur mise en oeuvre. La plupart de ces techniques sont actuellement négligées ou carrément mises hors la loi.

Un programme mondial de gestion de la biomasse coûterait moins que l’argent consacré actuellement à la construction des canaux d’irrigation, des barrages, et la mise en place des adductions d’eau et de systèmes d’épuration. La réorientation politique vers les techniques de régénération des écosystèmes et celles de la prévention des problèmes à la source, sortirait le monde de ses problèmes d’eau en moins de deux générations (environ 50 ans) et réduirait d’une manière conséquente les changements climatiques.

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